Cette journée s'inscrit dans le cadre d'un projet de recherche ECAEST financé par le Laboratoire d'Excellence (Labex) ASLAN et vise à partager le fruit de cette recherche.
Elle s’adresse à toute personne (chercheur.e, professionnel.le, étudiant.e., bénévole, etc.) intéressée par la réflexion sur les modes d’action professionnels dans le champ de l’alphabétisation des adultes.
En France, l’alphabétisation des adultes concerne des personnes installées parfois depuis de nombreuses années sur le territoire qui, durant leur parcours antérieur, n’ont pas ou peu eu accès à la scolarisation et peu ou pas eu l’occasion de s’approprier de manière formelle l’écrit, ni dans leur(s) langue(s) d’origine, ni en français. Selon l’UNESCO, l’alphabétisation se définit comme « une continuité d’apprentissage et de maîtrise de la lecture, de l’écriture et du calcul dans une perspective de l’apprentissage tout au long de la vie » (2019, p. 3). L’appropriation de la littéracie ou le processus d’alphabétisation (lecture et écriture) renvoie à un processus d’acculturation à un système de codes alphabétique, sémiotique, orthographique (Adami, 2020, Jaffré, 1992, Blais, 1995) et de savoirs spécialisés, mais aussi à un ensemble de pratiques sociales, historiques, culturelles et didactiques (Lahire, 2000 ; Olson, 1998 ; Street, 2000 ; Dabène, 1987) et à un processus psycho-cognitif aujourd’hui connu (Besse, 1997 ; Marin & Legros, 2008). La journée organisée situera la problématique de l’appropriation de l’écrit en rapport avec le temps et l’espace (distance/proximité, localisation, parcours, durée, temps précis/imprécis, etc.) et avec les habiletés socio-cognitives et perceptives liées à ces deux catégories.
Ces catégories ont été choisies parce que liées à des retours constants de terrain sur la difficulté à gérer des événements quotidiens de mobilité, mais aussi parce qu’elles traversent fondamentalement nos vies, sont à la source de nombreuses compétences et pratiques sociales et contribuent à forger notre identité sociale (Pinçon & Pinçon-Charlot, 1988). Par ailleurs, en contexte de mobilité urbaine, le temps et l’espace donnent lieu à de nombreuses médiations symboliques et sémiotiques (Scollon & Scollon, 2003 ; Denis, 2016, Mondada,2000) auxquelles le nouvel arrivant, non familier de la littéracie qui plus est, ne peut avoir toujours accès facilement, alors même qu’elles peuvent représenter des « clés » essentielles et vitales de l’autonomie de la personne, de développement de l’appartenance à la société d’accueil et du processus d’intégration. Pour ces raisons, la “gestion” du temps et de l’espace, dans sa dimension littéraciée, peut être source de nouvelles adaptations et appropriations, mais également source de difficultés et de souffrances. En effet, dans nos sociétés très littéraciées, les modes de représentation du temps et de l’espace (par exemple la durée et le déplacement) peuvent sémiotiquement beaucoup s’éloigner de la réalité concrète et vécue (Olson, ibid.) et de ce fait en partie échapper aux personnes qui ont construit antérieurement un rapport différent à la réalité spatiale et temporelle quotidienne. Comment les personnes en situation d’alphabétisation vivent ces décalages ou ces ajustements ? Comment les professionnels de l’accompagnement et de la formation qui les accueillent peuvent prendre cela en compte dans leurs interactions avec les personnes ?
En partant de témoignages de personnes en situation d’alphabétisation et de données filmées (entretiens dans une plateforme d’orientation linguistique et situations de formation linguistique dans une association), nous souhaitons, durant cette journée, mettre en évidence et en discussion des modes de représentation, de négociation et de didactisation du temps et de l’espace adoptés par les professionnels dans leurs interactions avec ce public.
